Cet infâme mélange d'odeur… étonnant de constater que même si on est habitué à chacune individuellement, leur amalgame provoque un tel écœurement. Ça serait peut-être bien de déménager – depuis le temps que j'en parle. Un autre quartier ou même juste un peu plus loin d'un Secret Burger. Suffit que le vent souffle du mauvais coté et ça sent la barbaque.
Je me cale au fond de la vieille chaise plastique et tente de passer outre. Y'a eu aucun appel pour des volontaires aujourd'hui… Pas de boulot, donc rien de ''frais'' à manger… Doucement, je sombre dans une léthargie coutumière.


Je suis un gamin. Je dois avoir 5 ou 6 ans à tout casser.
J'ai mal. Je dois être tombé… mais je ne m'en souviens pas.
Les adultes discutent non loin.

C'était l'hiver. On avait fait un feu dans une cheminée pas trop broyée. Je fixais les flammes, c'était plus intéressant que de les écouter. C'est calme, une flamme.

Je ne sais pas si c'était cette là ou une autre c'était le cas, mais ils me prenaient à partie souvent… ou parfois… quand ils n'avaient ni dégoté de vieux barils d'acides ni réussi à négocier quelques puces de Galaxie.



Je rouvre les yeux… pourquoi, de toutes choses, je finis par me souvenir des élucubrations de mon vieux ?… ou d'un de ses amis, peut-être, pour ce que ça change.
J'inspire quelques fois, lentement – par la bouche, odeurs obligent – histoire de faire taire les pensées résiduelles qui continuent de me murmurer :

Pas mécontent d'avoir changé de groupe. Pas les mêmes envies, pas les mêmes espoirs, pas la même enseigne. Ça c'est fait naturellement, à l'adolescence :
- Je serais mieux ailleurs

Sitôt dit, sitôt fait.
Je croise encore parfois des gens de mon ancien groupe. Ils semblent pas aller plus mal que nous (ce qui m'étonne à chaque fois). Alors personne doit s'inquiéter. Y'a pas forcement le temps pour, de toute façons.
Aujourd'hui mis à part.
Aujourd'hui c'est calme.

Un dernier écho lointain.

Fallait que ça revienne... pour une fois que je voulais prendre l'air – malgré les vieilles effluves de pluie acide, les dernières retombées remontent à plusieurs jours, et le vent sec n'est pas chargé de poussière. Ici c'est ce qu'on appel un temps de rêve. Enfin… je retourne au sous sol, faut que je m'occupes. On l'a vaguement aménagé entre les décombres pour accueillir quelques insectes enfermés dans des cages – plastiques aussi… c'est que ça tient bien ces trucs, pas rares d'en remonter d'une explo' de ruine. Une dizaine d'année passée à collecter ces bestioles (avec la participation de gamins ravis de faire un travail pas trop dur pour des fruits pas trop pourris). De ce que j’avais pu entendre, ces trucs étaient dégueulasses… et c'est pas faux. On fait avec ce qu'on trouve, et avec un peu d'organisation et de l'inventivité on finit par trouver un moyen d'en faire une pâte nauséabonde (ah… je me souviens pourquoi j'étais monté… au moins il fait frais) qui après avoir macéré dans du jus de citron (merci aux édeniens) finit par devenir mangeable.
Bon, après, c'est pas ça qui va nourrir la commu', rien de révolutionnaire, mais ça permet toujours de faire du troc et de varier les saveurs.
Encore un jour…